Un thème central en biologie est que les caractéristiques d'un organisme – le phénotype – sont contrôlées par la séquence nucléotidique de son génome. Comprendre comment l'information codée par le génome contribue à la variation phénotypique reste l'un des grands défis dans les sciences de la vie. Il est désormais admis que les cellules d'un organisme contiennent toutes essentiellement le même ADN et que l'expression différentielle des gènes explique les différentes identités et états cellulaires.

Cependant, même au sein d'un individu, il peut y avoir une variation phénotypique entre des cellules du même type, ou entre des individus génétiquement identiques comme des jumeaux. Est-ce que ces différences sont dues aux changements épigénétiques ? Le terme épigénétique a été inventé par Waddington pour désigner les processus par lesquels un génotype donne naissance au phénotype en cours de l'embryogenèse.

Une définition opérationnelle plus récente de l'épigénétique est l'étude des molécules et des mécanismes qui peuvent perpétuer des états d'activité génique alternatifs dans le contexte de la même séquence d'ADN, au cours des divisions cellulaires ou même à travers les générations. Certaines modifications de la chromatine, qui est le support physiologique du génome, ou les molécules associées (protéines et ARN), peuvent être propagées pendant la duplication du génome. On réalise aussi que certains changements épigénétiques peuvent être induits par l'environnement, bien que leur propagation ne soit pas souvent claire.

Une question majeure est de savoir s'il existe un code épigénétique, en plus du code génétique, qui permet aux cellules de recevoir et de se souvenir des signaux induits par l'environnement pour créer un état plus stable qui peut être transmis lorsque les cellules se divisent, ou même d'une génération à l'autre. L'avènement de nouvelles technologies, notamment l'ère des « omiques » et les outils avancés de génétique moléculaire, ont commencé à révéler comment, quand et où les combinaisons de changements épigénétiques sont induites, ainsi que leurs rôles dans l'activation ou la propagation des variations de l'expression génique et des phénotypes qui en résultent. Je parlerai du déchiffrage des marques épigénétiques et de la manière dont ils peuvent contribuer à la variation phénotypique au cours du développement ou à travers les générations.

Intervenant(s)

Edith Heard, Professeur du Collège de France